Nos Chers Aimés

16, 17 et 18 Novembre 2012

Théatre de la Madeleine

N ous devons au poète, d’origine suisse, Philippe Jaccottet d’avoir « eu à coeur de promouvoir une littérature francophone méconnue », et d’avoir rendu hommage à Gustave Roud, Ramuz, Cingria.

E n effet, Philippe Jaccottet a été, très tôt, pour nous l’ « ambassadeur » dévoué, sensible et infaillible de ces trois écrivains- poètes qui ont marqué plus qu’un pays, une langue; et c’est par elle, qu’au-delà de toute frontière, il nous a été permis de découvrir et partager l’imaginaire de leur écriture spécifique.

N ous pourrions avancer qu’entre ces trois écrivains un monde les sépare : monde d’approches d’un pays, d’un paysage; des hommes d’un monde dit paysan; d’un monde du sensible, d’une esthétique; d’un imaginaire, d’une langue.

L es liens, toutefois, depuis l’origine, furent entre eux forts d’amitié (Ramuz et Cingria), d’admiration et collaborations (Ramuz et Roud); et pourquoi pas, non pas d’influences, mais certainement de soutien, d’attention, d’écoute et de reconnaissance. Quelque chose court sous leur sensibilité, qui comme une rivière vive secrète les relierait dans leur création même : et ce serait l’amour de la vie qu’ils ne cesseraient, chacun à son mode, de sauvegarder, quoiqu’il en soit, contre toute agression destructrice d’être au monde.

S i nous avons choisi, aujourd’hui, de faire ré-entendre, de rendre à l’écoute émotionnelle, ces voix, c’est que, par leur quête respective, ils n’ont cessé de témoigner ce qui vaut que nous misions sur la vie, la poésie, l’imagination, le verbe. Ils sont pour cela, notre demeure acquise, celle dans laquelle, en tout temps, nous devons nous réfugier et faire résonner les échos multiples du corps et de l’esprit; sans quoi nous serions à chaque instant en danger de perdre l’humain de notre visage, notre « taille d’homme » (Ramuz).

E t que la mort nous cueille sans que nos coeurs aient fleuri. Nos choix sont par essence subjectifs.

I l ne s’agit pas, par cette lecture/spectacle, de proposer une lecture dite d’ « anthologie » encore moins thématique; mais de nous rendre plus proche, pour chacun d’eux, en quoi la création littéraire a été, au point de rupture de leur vie, significative de la Vie.

Comment, posés face à eux-mêmes, ils sont entrés en eux-mêmes, contre toute convoitise et séduction, pour VOIR et trans-mettre par et avec les mots, où était leurplace (et en cela, si humble soit-elle) et par là-même la nôtre.
Et ainsi nous transfuser le courage de vivre.

O ui, à nouveau, entendre l’acceptation et la résurrection (renaissance) ici et maintenant chez Ramuz; l’ indomptable et la non-conformité jusqu’à l’excès de grâce et d’ élégance de vivre chez Cingria; enfin l’errance d’un corps de brume, les ombres du coeur, et que les morts nous guettent dans la lumière si peu réelle du jour chez Roud.

O ui, pour un moment encore, à nouveau, ces présences rendues réelles dans le temps aboli qui alors n’aurait plus qu’un nom : Poésie

Jean-Pierre Raffaëlli